Catrin & Seckou at Lorient Festival: Cap Sene-Galles!

/ Propos recueillis par Justin Daniel Freeman /

Racontez-nous la genèse du projet.

Seckou Keita : En mars 2012, mon manager, John Hollis, m'appelle en urgence alors que j'étais à Rome pour un concert pour l'Onu. Il avait lancé un projet entre le Malien Toumani Diabaté et la Galloise Catrin Finch. À cause des événements au Mali, ça n'a pas pu se faire comme prévu. Je suis arrivé dans le studio de Catrin qui n'avait aucune connaissance de la musique africaine et dès le premier jour, nous avons travaillé six heures. Finalement, Toumani est arrivé juste avant le premier des cinq concerts et le duo s'est transformé en trio pour les dates de Cardiff et Swansea .

Catrin Finch : Quand on joue avec certains musiciens, il y a un respect mutuel qui s'installe vraiment et c'est ce qu'il s'est passé avec Seckou. On a décidé de pousser le projet plus loin et ça a abouti à l'album "Clychau Dibon" sorti à l'automne .

Comment définiriez-vous votre musique ? S. K. : C'est difficile de mettre une étiquette là-dessus. Ce n'est pas classique, ce n'est pas world... C'est le résultat d'une expérience totale où l'on a dû aller l'un vers l'autre et chercher la ressemblance entre nos deux harpes. En fait, ce n'est pas de la musique du monde, c'est de la musique pour le monde !

C. F. : Je viens d'un monde très classique, lui d'une tradition de griot, très orale... On est tellement éloignés au départ qu'on pourrait peut-être ranger notre disque sur l'étagère "tout et n'importe quoi" ! ?

Avez-vous rencontré des difficultés à accorder vos répertoires respectifs ?

C. F. : Lorsque j'ai découvert les rythmiques que Seckou a connues toute sa vie, ça a été très difficile à assimiler. Venant d'une formation classique, j'essayais d'écrire nos compositions mais ça n'avait aucun sens, c'est quelque chose qui se ressent. C'est en jouant qu'on a compris qu'il y avait de nombreuses structures communes .

S. K. : Il y a en fait beaucoup de passerelles entre les mélodies galloises des XVe et XVIe siècles et la musique traditionnelle du Sénégal, de la Gambie et du Mali qui datent à peu près de la même époque. Elles se "parlent". Ça a pris peu d'efforts à marier. D'autre part, Catrin est une incroyable joueuse de harpe, elle a réussi à complètement se déconnecter de sa formation. Pour l'un comme pour l'autre il s'agissait tout simplement d'élargir nos horizons .

Quel a été votre mode de fonctionnement ?

S. K. : Au départ, je suis venu avec mes compositions et quelques morceaux traditionnels, car il fallait trouver des ressemblances entre les deux harpes. Après des recherches sur Llio Rhydderch, avec qui j'avais partagé une tournée en 2002, on a retrouvé un air qu'on a repris, en y ajoutant nos idées ; c'est devenu "Les bras de mer". Il y a aussi "Robert Ap Huw meets Nialing Sonko", qui vient du mélange de deux morceaux traditionnels qui se jouent avec les mêmes notes. Je n'ai rien changé sauf le tempo. Ces deux morceaux parlaient "la même langue". Ça nous a trop excités, on s'est dit : "Woaw comment se fait-il que ça se passe comme ça ?" En fait, le travail avait déjà été fait par nos ancêtres !"

C. F. : Après deux ans à travailler ensemble, on se pousse plus l'un l'autre. Le processus de création change. Au départ il fallait poser des bases. Aujourd'hui on est plus créatifs, on comprend mieux ce que peuvent faire nos instruments. Pendant les balances, par exemple, on arrive avec des petites idées. On sort vite nos smartphones pour ne pas les oublier mais là on arrive à tout un catalogue prêt à être enregistré !

Il y aura donc une suite à Clychau Dibon ?

C. F. : Peut-être ! On ne sait pas encore, mais pour l'instant notre premier album est toujours "en vie". On ne va pas prendre une décision trop rapide mais on le souhaite .

S. K. : On a déjà fait une trentaine de dates ensemble, il nous en reste une vingtaine et, autour de février 2015, on devrait sortir nos projets personnels. On est prêts pour un nouveau projet commun mais le temps ne nous le permet pas pour l'instant, on doit d'abord retrouver nos sources .